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L'histoire d'un prodige trop précoce
Sébastien, aux côtés de son
frère Kevin, respectivement 11 et 8 ans à l'époque :
Je ne sais pas trop s’il on peut dire que l’arrivée d’un phénomène
comme Sébastien est un bien ou un mal pour un entraîneur, mais ce
qu’il y a de certain c’est qu’après son passage, plus rien ne peut
être comme avant. Que restera-t-il de toutes ces années ? Des
moments extrêmement forts, intenses, indescriptibles, dans la joie
comme dans la déception d’ailleurs ; mais aussi le sentiment d’un
immense gâchis, l’impression qu’il n’a pas accompli ce
que son potentiel aurait dû lui permettre de réaliser.
Il restera malgré tout
un précurseur dans les sports de combat moderne, un prodige absolu
qui, à mes yeux, n’a pas encore trouvé son équivalent chez les
jeunes. C’est sur ce point que j’aimerais insister car ceux qui
l’ont connu sur le tard ne peuvent avoir conscience de ce qu’il a
réellement représenté durant ses premières années, entre l’âge de 11
et 15 ans plus particulièrement. Et aussi parce que son histoire,
celui d’un gamin incroyablement talentueux qui finit par craquer,
est exemplaire même si beaucoup d’entraîneurs en soutiendront la
banalité. Pourtant avec Sébastien, croyez moi, rien n’est jamais
vraiment banal !
J’ai souvent raconté
qu’à la seconde même où j’ai vu Sébastien pour la première fois, un
petit blondinet tout frêle de 11 ans à peine, presque anachronique
dans le monde très difficile et impitoyable des sports de combat,
j’ai eu une vision prémonitoire : l’impression partagée d’être à la
fois devant un phénomène qui allait bouleverser la vie du club et du
kickboxing chez les jeunes, et un sentiment inexplicable qu’une
cascade d’ennuis allaient me tomber dessus. Pourtant j’en avais vu
passer des Van Damme en herbe, mais lui c’était différent. Je le
sentais tout de suite avant même de l’avoir vu exécuter son premier
coup de pied. La confirmation vint très rapidement : il comprenait
tout au quart de tour et faisait tout plus vite et plus fort que les
autres. Ayant plusieurs années de karaté derrière lui, il avait de
bonnes prédispositions. Mais il fallait aussi lui retirer les
nombreux défauts inhérents à la pratique du karaté ce qui est
généralement assez compliqué. Pour lui, pas de problème ! Il
s’adaptait à une vitesse incroyable.
La deuxième chose qui
retint mon attention pendant les premières années de ma
« collaboration » avec Sébastien, c’était son sérieux à
l'entraînement : il
faisait (à l'époque !) absolument tout ce qu’on lui demandait sans jamais broncher,
même les choses les plus difficiles. Ca en devenait presque
effrayant car ce tout petit gamin était progressivement en train de
devenir l’une des plus impressionnantes machines à détruire que l’on
ait vues. Ses adversaires qui ne le connaissaient pas rigolaient en
le voyant. Ils riaient en général beaucoup moins après quelques
secondes de combat, à une époque où les compétitions avec coups
portés à pleine puissance étaient encore souvent autorisées chez les jeunes.
Sébastien ne battait pas ses adversaires, il les exécutait avec un
relâchement presque inhumain. A son apogée (vers l'âge de 14 ans) son visage
très calme ne laissait
apparaître aucune émotion pendant le combat, rappelant étrangement
celui de Fedor aujourd’hui. Quant aux adversaires qui partaient très
décontractés en voyant ce petit blond a priori bien inoffensif
qu’ils avaient en face d’eux, la peur se lisait très rapidement dans
leurs visages après quelques secondes de combat. Certains des
combats de Sébastien, enfant, firent d’ailleurs scandale devant les
dégâts causés à ses adversaires, ce qui précipita probablement le
passage au light contact imposé en France pour les jeunes
aujourd’hui.
Techniquement,
stratégiquement, la manière de combattre de Sébastien, à l’époque,
était révolutionnaire et pourrait servir d’exemple même aux
meilleurs des professionnels d’aujourd’hui. Perception,
anticipation, temps de réaction au centième de seconde. Sébastien lisait dans vos pensées.
Il savait déjà pratiquement ce que vous alliez faire avant même que
vous ne l’envisagiez vous-mêmes. Un comble ! Imaginez jouer aux
échecs avec quelqu’un qui aurait toujours un coup d’avance sur
vous ! Parfaitement équilibré, utilisant au millimètre près chaque
parcelle de son corps si léger pour donner le maximum de puissance,
chacune de ses techniques frisait la perfection. Tellement
esthétique que même ceux qui étaient allergiques aux sports de
combat étaient sous le charme. La puissance de Sébastien ? Quand
j’ai compris que j’avais à faire à un gamin qui avait un potentiel
de fibres rapides aussi élevé, je l’ai fait travaillé d’une manière
très particulière, faisant beaucoup appel à la plyométrie bien avant
de le mettre à la musculation avec charges. Quand il frappait au pao,
cela faisait tellement de bruit dans le gymnase que l’on avait
l’impression que c’était un colosse de 100 kgs qui était en action.
La surprise était grande quand les gens découvraient à qui ils
avaient à faire.
Et d’un point de vue stratégique, c’était une
véritable leçon à montrer dans toutes les écoles ! Quand vous
expliquez à un gamin (et même à un adulte) d’utiliser les
déséquilibres de l’adversaire pour l’attaquer, vous pouvez être sûr
que vous serez à 90% incompris. Pourtant Sébastien avait tout pigé.
Tellement bien d’ailleurs qu’il était devenu une référence en la
matière, inégalé à mon sens à ce jour. On aurait pu le prendre pour
une sorte de singe savant, un robot perfectionné, s’il n’y avait pas
eu, par-dessus le marché, une grande dose de créativité en lui. Au
bout d’un moment, même son propre entraîneur qui lui avait tout
appris se demandait : qu’est-ce qu’il va bien nous sortir ?
Avec lui, tout devenait possible : on pouvait inventer des nouvelles
techniques, des nouvelles stratégies. Il avait, lui seul, cette
possibilité de comprendre, assimiler, appliquer, et même transcender
ces nouveaux domaines.
Puis un jour, Sébastien
est redescendu sur Terre, lui qui était pratiquement considéré comme
un extraterrestre autrefois. Certains
diront qu’il est simplement devenu humain, quelqu’un comme tout le
monde, connaissant le doute, le manque de confiance alors que
pendant toutes ces années il avait paru complètement inébranlable,
tellement sûr de son talent que cela en devenait presque insolent.
Le grain de sable qui a
enrayé cette belle mécanique, je le connais. Sébastien le connaît
aussi. Et l’explication est loin d’être aussi simpliste que celle à
laquelle on pourrait penser (sorties, filles etc …) Mais cette
explication est évidemment personnelle à Sébastien donc je ne
m’étendrai pas dessus. A partir de l'âge de 16 ans et jusqu'à
aujourd'hui, la carrière sportive de Sébastien a connu des hauts et
des bas. Certes il y a quand même eu un certain nombre
de coups d'éclats qui prouvaient que, quand il était
bien dans sa tête, Sébastien restait toujours un phénomène. Je pense
en particulier aux championnats du monde de 2002 où il m'a
complètement bluffé : quand on a appris en Italie que, malgré qu'il
ne soit qu'un junior première année en France, il combattrait dans
la catégorie senior selon les règles de la WKA, avec les meilleurs
amateurs mondiaux, j'ai craint le pire. Connaissant le mental de Sébastien, j'ai bien
pensé que ce serait une mission impossible pour lui. Pourtant, ce
jour là, il y croyait (et il était bien le seul !) Les combats qu'il
a fait étaient "énormes" et ça, personne ne pourra le lui retirer.
Je pense aussi à quelques combats magnifiques, en catégorie junior,
ou encore dans sa finale de championnat de France de kickboxing en
2004, une impressionnante démonstration ! Et à côté de cela, des
combats où il passe complètement à travers, quand il ne refuse pas
tout simplement de monter sur le ring. Cela met bien en lumière
un aspect de la personnalité de Sébastien qui est apparu en
grandissant : une sorte de double personnalité.
Pendant plus de 10 ans, on m'a tellement assimilé à lui (je ne
pouvais plus aller nulle part sans que l'on me demande des nouvelles
de Sébastien) que certains moments ont été, il faut reconnaître,
assez durs. Mais si je n'ai pas toujours bien compris son
comportement, je n'ai jamais voulu le dénigrer : j'étais avec lui
dans les meilleurs moments, je ne l'ai jamais lâché dans les pires.
Aujourd'hui, Sébastien a arrêté complètement la compétition. Il est
pourtant encore bien jeune. Il m'a exprimé sa volonté de remonter
sur un ring un peu plus tard, pensant avoir évolué dans sa
mentalité. Ce serait certainement très intéressant mais, connaissant
les antécédents et le "personnage", je n'y crois guère. Cependant il reste à
l’intérieur de Sébastien une flamme, même profondément enfouie, qui
est celle de son génie demeuré intacte.
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Sébastien : les moments clés entre 11 et 15 ans Si Sébastien a suscité l'admiration de
beaucoup de monde pendant la période où il combattait à son meilleur
niveau, il a aussi fait l'objet d'une certaine jalousie et il a
notamment été pris en grippe par (une partie) du corps arbitral de
l'époque, sans doute parce que trop brillant. C'est un peu
regrettable d'ailleurs qu'une fédération comme celle de full
contact, pour ne citer que cet exemple précis, n'ait pas été capable de
soutenir un talent unique comme celui de Sébastien et, bien au
contraire, lui ait un peu barré la route à travers des décisions
plutôt étonnantes comme on le verra plus bas.
La municipalité d'Evry aura
également mis beaucoup (trop ?) de temps à reconnaître le mérite de
Sébastien qui a quand même amené à la ville un titre de champion du
monde, 5 titres de champion de France, 2 coupes de France et une
dizaine de titres régionaux.
Saison 1994 - 1995 :
ce sont les débuts (fracassants) de Sébastien, alors âgé de 11 ans
et pesant 33 kgs.
Excepté un combat amical de début de saison où il est blessé au
poignet, il remporte tous ses combats et devient champion de France
de kickboxing. Son style rapide et spectaculaire le démarque déjà
des autres.
Saison 1995 - 1996 :
A 12 ans, l'intelligence tactique de Sébastien surprend. Ses
aptitudes techniques sont incroyables pour son âge et sa précision
chirurgicale commencent à faire de gros dégâts sur ses adversaires,
malgré son poids très léger.
Il confirme sa suprématie en kickboxing en remportant pour la
deuxième fois d'affilée le titre national après avoir surclassé tous
ses adversaires. Un seul point noir : la finale du championnat de
France de full contact, à Donges, perdue (sans doute très
injustement) contre le boxeur local Axel Guiheneuf (voir plus loin).
Saison 1996 - 1997 :
Une période de transition où Sébastien semble un tout petit peu
moins dominateur. Il remporte malgré tout l'intégralité de ses
combats à l'exception du premier tour du championnat de France de
full contact où les juges le donnent perdant parce qu'il a fait
pleurer son adversaire au bout de quelques secondes. Une décision
vraiment ridicule mais qui commence à peser sur le moral de
Sébastien. Il abandonne d'ailleurs (très provisoirement) la
boxe pour le football avant la fin de saison, ratant ainsi le
championnat de France de kickboxing qu'il aurait sans doute remporté
pour la troisième année de suite.
Saison 1997 - 1998 :
l'apogée de Sébastien vraisemblablement. Sébastien change d'avis et
revient à son sport de prédilection plus déterminé que jamais. Il
commence la musculation et sa puissance devient rapidement assez
impressionnante. A 14 ans, lors d'un interclub à Paris, il détruit
littéralement un adversaire âgé de 3 ans de plus que lui. Nous faisons
l'impasse sur le championnat de France de full contact et Sébastien
concentre tous ses efforts sur le kickboxing. Du 1er tour du
championnat d'Ile de France à la finale du championnat de France à
Nice, Sébastien remporte tous ses combats avant la limite. Son style
arrive à maturité, le rendant unique dans sa façon de combattre et
d'appréhender les déséquilibres de l'adversaire. Une leçon de
stratégie mais pas à la portée de n'importe qui tellement elle
demande une lecture rapide de chaque mouvement de l'adversaire.
Saison 1998 - 1999 :
c'est au cours de cette saison qu' a lieu un combat qui a
certainement représenté un tournant pour Sébastien, alors âgé de 15
ans. Il affronte Samir Kasmi, un excellent boxeur, en finale du
championnat d'Ile de France de kickboxing. Sébastien, qui avait déjà
battu Samir un an auparavant, se détache nettement au fur et à
mesure du combat et obtient même un knock down au deuxième round.
Mais à 10 secondes de la fin, alors que la victoire de Sébastien ne
fait aucun doute, il est compté par l'arbitre alors qu'il n'a
semble-t-il même pas été touché : il a juste été déséquilibré en
balayant son adversaire. Sébastien est donné perdant à l'issue de la
rencontre et c'est un nouveau traumatisme pour lui. Il commence à se
sentir "mal aimé" des juges et arbitres et ne s'en remettra jamais
vraiment.
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